à imaginé cette caricature
en me voyant attaquer
relatif à mes récits de plongée.

Le plongeur sous-marin est un reclus.
La sanction débute à l’instant même où il franchit le miroir de la surface pour s’engager dans le royaume de Neptune. A cette seconde précise, l’homme se prive spontanément de l’aptitude privilégiée et unique qu’il a de pouvoir s’exprimer verbalement. Il annihile volontairement ce don exceptionnel que la Nature lui a si généreusement octroyé: la parole.
Ayant perdu au sein de l’onde cette faculté inestimable de pouvoir transmettre clairement et à tout moment ses pensées, il se doit de remplacer la voix par le geste. De ce fait, pour communiquer avec ses semblables au cours de son immersion, il en est réduit à s’exprimer par le truchement de signes ou gestes simples et conventionnels. Il ne peut se parler bien qu’à lui-même... Exclusivement par la pensée.
Il a choisi le monde du silence.
Aussi, est-il bon de l’observer alors qu’il ressurgit des profondeurs: A peine a-t-il affleuré la surface, que, spontanément, il se métamorphose en un redoutable bavard.
Avec une ardeur juvénile il éprouve un besoin inextinguible d’apporter son témoignage sur les minutes hors du temps qu’il vient de vivre. Il est incontestable que les conversations entre plongeurs vont toujours bon train, que ces derniers soient encore à l’eau ou qu’ils aient déjà regagné leur bateau.
Ces colloques se poursuivent d’ailleurs encore bien longtemps après le retour à terre. Je dirais même qu’il est surprenant de voir combien la solitude subaquatique peut sublimer le moindre fait insignifiant survenu lors d’une plongée. La magnificence est atteinte si, à bord de leur embarcation où de leur base terrestre, quelques rondelles de saucisson accompagnées d’un petit coup de beaujolais bien frais ou d’un pastis rafraîchissant viennent fort à propos, apporter réconfort et réhydratation.
Mais la belle époque des vacances humides passe trop vite pour nous, petits plongeurs des Terres Gâtinaises que nous sommes. Aussi, tout au long de l’interminable année continentale et sèche (?), quel plaisir, lors de la période exécrée, de pouvoir se retrouver entre initiés à une heure dite intelligente (ex. “midi ou sept heures”), afin d’évoquer souvenirs et anecdotes du temps béni de la plongée. Choucroutes-parties, moules-frites, simples "mangements" ou bonnes tables, que de favorables et heureuses occasions sont offertes aux proscrits des flots bleus de converser honorablement.
Et que ce soit pour une fiesta réunissant une centaine de bons vivants ou pour la petite bouffe entre intimes, avec Wanda mon épouse (plongeuse tardive), nous répondons toujours présent.
C’est vous dire si les histoires de plongée... on connaît !
De plus, lorsque je suis à la maison, entre deux périodes d’activités subaquatiques intenses aux quatre coins du monde, la taverne familiale est bien souvent envahie, à l’heure bénie de l’apéritif, par quantité de copains. Tous assoiffés d’amitié, bien sûr, et tous plus ou moins plongeurs, mais toujours incorrigibles et passionnants conteurs d’histoires, tels Rémy Julienne ou Michel Vaillant, les célèbres enfants du pays.
A la grande joie d’ailleurs de mon petit-fils Aleksandr, qui, depuis qu’il est en âge de comprendre, est à l’écoute des grands et dresse l’oreille à leurs récits extraordinaires : Jean-Pierre Rameau et ce fou de Dominique Dautrême (tu sais Mamy, Dodo, c’est lui mon meilleur copain) le font rire aux éclats avec leurs con...teries. Sans oublier Lulu, Claude, Charly, Raymond, Coco, Fanfan, Steph, Yves, Francis, Noël, “Monseigneur” et tout les autres... qui racontent... et à qui je raconte.
Je ne sais pas trop ce que je pouvais bien représenter dans l’esprit d’Alek, mon “P’tit Mickey”, alors qu’il n’avait que six ans, mais, à force de s’entendre dire à longueur d’année que son Papy était en Mer Rouge, dans l’Océan Indien, en Méditerranée, aux Caraïbes, ou plus simplement qu’il était parti nager dans le Lac de Montargis où dans le Loing, dans l’Yonne, la Loire ou le Cher. Cela a certainement dû l’interpeller... Toujours est-il qu’un beau soir d’été, à l’heure où soleil assécheur de gosiers disparaissait à l’horizon, il m’entraîna à l’écart du groupe avec lequel nous prenions l’apéritif dans notre jardin. Après avoir fait quelques pas en silence près de moi, sa petite main prenant la mienne (pour mieux m’embarquer dans son monde), il m’a demandé sur le ton réfléchi de la confidence:
- Dis moi, mon Papy, quand j’aura dix ans et que je sera grand, est-ce que tu m’emmèneras avec toi, dans tes aventures ?
Petit bonhomme, tu m’as ému !
Mais vois-tu, tous les plongeurs sont comme moi. Je suis comme eux. Ils aiment leur sport favori et c’est pour ça qu’ils en parlent, toujours et partout. Aurais-je un jour le plaisir de plonger avec toi, Dieu seul le sait... j’ai maintenant soixante-dix ans sonnés. Aussi pour te garder en mémoire, plus que le souvenir d’un grand-père surgissant au hasard de témoignages délayés dans un déferlement de vagues histoires d’eau, souvent racontées dans les rires et les éclats de voix d’une équipe de soiffards, j’ai pensé te rendre compte par écrit et te dédier ces quelques récits ou anecdotes que tu as, en toute innocence et à ma grande fierté, qualifiés d’Aventures...
Je l'avais surnommé " P'tit Mickey "
